Jérôme Cahuzac : le procès d’un scandale retentissant

Quatre ans après avoir déclenché le scandale le plus retentissant du quinquennat, Jérôme Cahuzac se retrouve à nouveau devant la justice après une interruption de son procès de plusieurs mois. L'audience doit reprendre ce lundi après-midi devant le tribunal correctionnel de Paris, et le procès durera jusqu'au 15 septembre.
Aux côtés de l'ancien ministre sont aussi jugés son ex-épouse, Patricia Ménard, et leurs conseillers, le banquier suisse François Reyl et l'ex-avocat Philippe Houman. Tous risquent une peine allant jusqu'à sept ans de prison et un million d'euros d'amende.

Retour sur cette affaire, première brèche dans la “République exemplaire” promise par François Hollande.

Un scandale au cœur du pouvoir

Un ancien ministre au cœur de la tourmente, un compte caché en Suisse, un mystérieux enregistrement… L’affaire Cahuzac éclate fin 2012. Le 4 décembre, le site d’informations Mediapart révèle que le ministre du Budget a longtemps détenu un “compte bancaire non déclaré” au fisc au sein de la banque suisse UBS, à Genève. Ce compte aurait ensuite été vidé. Puis l'argent qu’il contenait aurait été placé dans une banque singapourienne. Le ministre du Budget de l'époque nie alors en bloc.

Un enregistrement clé

Le lendemain des révélations, Mediapart publie un enregistrement sonore, daté de 2000, qui s’avérera déterminant pour la suite de l’enquête. On y entend un mystérieux interlocuteur déclarer : “Ça me fait chier d’avoir un compte ouvert là-bas, l’UBS c’est quand même pas forcément la plus planquée des banques”. Il s'agirait de Jérôme Cahuzac.
A l’époque de ces révélations, le ministre délégué au Budget est l’un des poids lourd du gouvernement. L’élu socialiste du Lot-et-Garonne, âgé de 60 ans, est chirurgien esthétique de profession. Il est propriétaire d’une clinique parisienne spécialisée dans les microgreffes de cheveux.
Le lendemain de la publication de cet enregistrement, Jérôme Cahuzac porte plainte contre Mediapart.
Nouvelle révélation de Mediapart le 21 décembre : le site d’informations affirme que le détenteur de l’enregistrement sonore s’appelle Michel Gonnelle. L’homme est l’ancien maire de la commune de Villeneuve-sur-Lot, poste que lui a ravi Jérôme Cahuzac. Cet ancien bâtonnier du bureau d’Agen affirme avoir conservé cet enregistrement pendant des années car il estimait que les informations de cette bande étaient “sensibles”. En revanche, il nie être l’homme qui l’a fournie à Mediapart.
Le 8 janvier, le parquet de Paris annonce l’ouverture d’une enquête préliminaire pour “blanchiment de fraude fiscale”. Le 6 février, Le Journal du dimanche affirme qu’un document transmis par les autorités suisses à la France innocente Jérôme Cahuzac.
Nouveau coup de théâtre le 19 mars : les expertises de la police concluent que la voix de l’enregistrement est “probablement” celle du ministre du Budget. Une information judiciaire pour “blanchiment de fraude fiscale” est ouverte. En début de soirée, Jérôme Cahuzac démissionne du gouvernement, mais continue de clamer son innocence.



L’heure des aveux

Le 2 avril, lors d’une audition devant les juges du pôle financier, Jérôme Cahuzac avoue être détenteur d’un compte à l’étranger “depuis une vingtaine d’années”. Il contiendrait 600.000 euros. L’ancien ministre du Budget réitère ses aveux sur son blog. Le même jour, il est mis en examen pour “blanchiment de fraude fiscale”. Dans un communiqué, il demande “pardon pour une faute inqualifiable”. Se disant “dévasté par le remords”, il déclare s’être “fourvoyé” dans une “spirale du mensonge”.

Des progrès notables, malgré des failles persistantes

Près de quatre ans après l'affaire Cahuzac, la lutte contre l'évasion fiscale a gagné en efficacité, avec une série de mesures renforçant la transparence de la vie publique. Depuis, deux trains de mesures ont été votés afin de renforcer la traque des fraudeurs: la loi sur la transparence de la vie publique, en octobre 2013, et la loi sur la lutte contre la fraude fiscale, en décembre 2013.
La première a interdit aux députés et sénateurs de cumuler leur mandat avec certains métiers, et instauré l'obligation pour 9.000 décideurs publics - dont les élus - de déclarer leur patrimoine à une commission indépendante: la Haute autorité de la transparence de la vie publique (HATVP).
La seconde a permis la création d'un parquet national financier, désormais en charge des affaires les plus complexes, et renforcé les sanctions pénales pour les fraudes fiscales les plus lourdes, avec 10 ans d'inéligibilité encourue par les élus condamnés.
La lutte contre la fraude fiscale a atteint en France un rendement record en 2015 avec plus de 21 milliards d'euros de redressements.