Fidel Castro : mort d’un faux héros

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C’est un faux héros qui vient de mourir. Les années passeront mais ce sera toujours Che Guevara que les révoltés des injustices du monde entier porteront sur leur tee-shirt. Pas Castro.

Castro n’imprimera pas les âmes et les cœurs. Il imprimera l’histoire, pour le meilleur et pour le pire. Castro n’était pas un héros, c’était un politique. D’apparence atypique mais terriblement conforme aux autres. Opportuniste, habile, manipulateur, tribun, menteur, courageux, changeant, dissimulateur, égotique et brillant.

Beau parleur et poseur

Le destin des hommes se forge souvent dans les premières années. Le jeune Castro est d’abord un avocat ambitieux, député du parti orthodoxe de droite, marié à la soeur du ministre de l’Intérieur de Batista ! C’est ensuite un révolutionnaire d’opérette qui tente un coup de force contre Batista, qui vient de prendre tous les pouvoirs. L’attaque de la caserne de la Moncada est un fiasco militaire qui aurait dû le discréditer. Il n’en a rien été.

Castro était déjà un beau parleur et un poseur. Il avait en lui les gènes de la communication politique moderne par l’image. Cette patte, il la donnera à la révolution cubaine. Elle sera un fantastique film grandeur nature, dans lequel Castro avait le premier rôle, trainant derrière lui ces “barbudos”, les barbus, beaux gosses faisant la révolution avec les cigares de banquiers d’affaires aux lèvres, faisant chavirer les filles et entrainant les garçons a coup de formules définitives : “la patrie ou la mort”, “la révolution, c’est changer tout ce qui doit être changé”, “tout dans la révolution, hors de la révolution, rien !”

Communiste par opportunisme

Pourtant lorsque Batista est renversé, Castro ne parle pas de tout changer, mais simplement de “révolution humaniste”. Il va aux USA, essaye de garder des relations cordiales avec l’oncle Sam et explique qu’il n’est pas question de nationaliser les entreprises. Ce n’est qu’après deux ans qu’il décidera de basculer vers Marx. Castro n’est pas un communiste qui a fait la révolution. C’est un bourgeois révolté qui a suivi une vague et s’est converti au communisme par opportunisme.

Le vrai héros, c’était Che Guevara. L’intello économiste qui pensait un monde nouveau, plus juste, plus égalitaire, où les paysans ne seraient plus écrasés et ou l’Etat donnerait la priorité à l’éducation. A Cuba et partout dans le monde. La fin des nations. L’idéaliste qui porte les armes pour accélérer le court de l’histoire. Mais un homme qui pense un monde nouveau. Le Che est mort trop jeune pour assister au naufrage.

Castro, lui, n’a jamais vu plus loin que le bout de son ile. Sa révolution lui suffisait. Mais il a su en faire un symbole. Posée face à la Floride, Cuba était à la menace une tête de pont et une provocation. L’échec de l’invasion de la baie des cochons lancée par Kennedy a conforté Castro dans ce rôle de pied de nez permanent. Avec la crise des missiles, lorsque qu’il accepte que l’URSS installe des missiles sur son ile, la provocation vire à la menace militaire. La crise des missiles fera craindre au monde que les deux super puissances déclenchent une guerre atomique. Durant ces heures cruciales, Castro avait perdu le contrôle des choses, ramené à son rôle premier, celui de chiffon rouge.

En temps de guerre, on ne débat pas

Les nouvelles générations auront du mal peut-être à comprendre la fascination que ces barbus ont exercé sur la jeunesse et les intellectuels français pendant si longtemps. Comment pendant des années et encore jusqu’il y a peu, beaucoup de journalistes, d’écrivains, d��intellos, de cinéastes, de responsables politiques ou syndicalistes n’arrivaient pas à qualifier clairement les faits. Castro était un dictateur, et Cuba une prison ensoleillée et musicale.

L’une, et seulement l’une des raisons, se résume à leurs treillis militaires. La révolution cubaine s’est faite alors que les Etats-Unis étaient à l’apogée de leur puissance économique, militaire et politique en occident, imposant leur vue dans ce que l’on qualifiait d’impérialisme. Lutter contre cet empire signifiait basculer du côté de la résistance populaire armée. Les mots ne suffisaient plus, il fallait prendre les armes. Dans ce combat disproportionné, les révolutionnaires n’avaient pas d’autres choix qu’une discipline de fer pour ne pas gâcher leurs maigres forces. En temps de guerre, on ne débat pas. Sinon, on meurt.

Ensuite, les choses ont évolué. La révolution est devenue permanente, la discipline d’abord consentie a été imposée et toute contestation écrasée. La société s’est mise à fonctionner avec les mêmes règles que celles qui prévalaient dans la guérilla clandestine. Cuba est devenue une immense caserne, avec un chef qui du coup ne quittait plus son treillis, et une règle d’or : “dans une forteresse assiégée toute dissidence est une trahison”. Ça aussi c’est du Castro dans le texte.

Le débat sur “la justesse du combat”, qui excuse certains excès, n’avait plus de sens des décennies plus tard. Et pourtant, il empêchait encore beaucoup d’observateurs de mettre les mots sur les choses. Les barbus avaient tellement fait rêver qu’ils ne pouvaient être devenus des dictateurs, comme ceux qu’ils prétendaient renverser dans leur jeunesse. Et pourtant si. “Fidel a toujours raison”, disait-on dans l’entourage de Castro pour se consoler de son malheur. C’est un vieux dictateur malade et paranoïaque qui s’est éteint à Cuba. Son frère Raúl ne vaut pas mieux. Cuba est peut-être orpheline, mais il est des pères qu’il ne faut pas regretter de voir partir.