Espoirs et doutes autour des centres pour jeunes radicalisés

Dans quelques jours, une demi-douzaine de jeunes “en voie de radicalisation” intégreront un centre de “prévention, d'insertion et de citoyenneté” (CPIC), un projet expérimental qui fait naître autant d'espoirs que d'interrogations.

Site “pilote”, le centre de Beaumont-en-Véron (Indre-et-Loire) accueillera des jeunes âgés de 18 à 30 ans, “en voie de radicalisation et qui veulent s'en sortir”. Pas de condamnés, de fichés “S” ni de “revenants” de Syrie, mais des individus “en errance”, décrit à l'AFP le sociologue Gérald Bronner, futur intervenant de cet internat d'un nouveau genre.

“Il s'agit de développer leur système immunitaire intellectuel, c'est-à-dire développer leur esprit critique”, explique-t-il. Face aux “idéologies mortifères”, aux théories du complot, il faut “leur redonner la liberté de penser”. En revanche, souligne le chercheur, “pas question de +déradicaliser+, de retirer les croyances du cerveau d'individus. Ca, personne ne peut le faire”.

“Volontaires”, ces jeunes, pour la plupart signalés par les familles, parfois identifiés localement, ont été “approchés et sont partants pour cette démarche”, souligne Muriel Domenach, secrétaire générale du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR).

“Ni un vaccin, ni une baguette magique”

Alors que la France est confrontée comme jamais à la menace d'attentats jihadistes, les attentes sont fortes. D'autant que le Premier ministre Manuel Valls évalue désormais à environ 15.000 le nombre de profils radicalisés en France.

Mais du côté des autorités, la prudence est de mise. “Ce n'est ni un vaccin ni une baguette magique”, prévient Muriel Domenach, insistant sur l'aspect expérimental du projet, qui “sera ajusté en fonction des retours des bénéficiaires”.

Il n'existe “pas de solution miracle” en matière de désendoctrinement, renchérit le ministre de la Ville et de la Jeunesse Patrick Kanner. “Mais l'Etat doit absolument donner le cap”. Depuis 2015, quelque 20 millions d'euros de crédits ont été affectés à la prévention de la radicalisation.

Contre-productif ?

Après la mise en place d'un numéro vert permettant le signalement des personnes en voie de radicalisation, la prise en charge individualisée par les préfectures et les associations locales, dont bénéficient aujourd'hui 2.375 personnes, et les quartiers dédiés en prison, ces centre s'ajoutent à l'éventail des dispositifs déployés depuis deux ans.

Ces centres fermés, au cadre très structuré - horaires précis, port d'uniformes, lever des couleurs hebdomadaire - accueilleront les jeunes pour une période maximum de 10 mois. Objectif : les resocialiser et les diriger vers une formation professionnelle ou des études.

Comment s'assurer que la méthode aura marché ?

“Il y aura un test d'évaluation” avec des psychologues pour valider le “succès” du travail, affirme Gérald Bronner. Toutefois, insiste-t-il, “c'est une première mondiale”, un “test”, et les résultats demeurent incertains. “On ne peut pas être sûrs à 100%, il peut y avoir des stratégies de manipulation”.

L'expérimentation a ses détracteurs. Comme d'autres, Mourad Benchellali, ancien détenu français de Guantanamo aujourd'hui engagé dans la lutte contre la radicalisation des jeunes, craint que ce projet ne s'avère “contre-productif”.
“Placer des personnes pas vraiment radicalisées dans un centre fermé, ça n'a aucun sens”, assure ce “repenti”. “Ces personnes risquent de s'enfermer dans un personnage radicalisé. Si on les met tous entre eux, ils ne vont penser qu'à ça”.

Selon lui, le travail avec ces jeunes faiblement embrigadés doit se faire individuellement et en milieu ouvert, “dans la plus grande discrétion”, par le biais d'intervenants avec qui peut se nouer un lien affectif, une relation de confiance, comme des éducateurs de quartier.

“Je trouve cela problématique et risqué”, renchérit le politologue et spécialiste du jihadisme Asiem El Difraoui. “Il est préférable de suivre une approche individuelle, d'encourager ces gens à penser de manière libre, autonome et non pas uniforme, dans une logique de groupe”.

“Jusqu'à présent seuls les régimes autoritaires avaient créé des centres: Singapour, l'Arabie Saoudite… Aucun autre gouvernement européen ne privilégie cette approche”, souligne-t-il.

“Etre dans un centre les coupera d'un certain nombre de ressources, d'interactions” qui les exposeraient à l'endoctrinement jihadiste, rétorque Gérald Bronner. “Avec l'imagination du pire, on ne fait jamais rien”.

Stop-Djihadisme

Près de 600 Français se trouvent aujourd’hui en Syrie ou en Irak. Nos voisins européens, comme de très nombreux autres pays, sont également touchés par ce phénomène qui augmente considérablement depuis le début de l’année 2014.
Les jeunes qui ont été endoctrinés et convaincus de partir sont issus de tous les départements, y compris ultra-marins, de tous les milieux, favorisés comme défavorisés, urbains comme ruraux, des centres-villes comme des banlieues.

Si vous souhaitez en savoir davantage sur le sujet, consultez le site Stop-Djihadisme.gouv.fr

Numéro vert pour signaler une situation préoccupante ou alerter d'une radicalisation violente : 0 800 00 56 96