Un premier bébé après 40 ans...

Jadis, une femme qui exhibait un ventre rond passé 35 ans se faisait regarder de travers. Aujourd’hui, les grossesses tardives ne font plus sourciller personne; c’est devenu un choix socialement accepté dans la mesure où l’on est prête à en assumer les inconvénients.

En l’an 2000, 10 % des nouveau-nés québécois avaient une mère de 35 ans ou plus, comparativement au début des années 80, où seulement 5 % des nouvelles mamans avaient plus de 35 ans. En 20 ans, l’âge moyen des femmes concevant un premier enfant est passé de 24 à 29 ans. Pourquoi attendre si longtemps alors que les risques associés aux grossesses tardives sont connus depuis longtemps?

D’abord, se préparer


Plusieurs femmes sentent l’appel de la maternité dès le début de la vingtaine. Mais elles préfèrent l’ignorer, le temps de terminer leurs études, de dénicher un travail intéressant et d’avoir une bonne situation financière. Et puis, bien souvent, l’homme qui serait le père idéal tarde à arriver.
Alors, elles attendent encore et encore, parfois sans réaliser que le temps qui passe entraîne avec lui leurs chances de concevoir facilement.
«Planifier, c’est bien beau, mais on ne peut pas toujours tout contrôler comme on le souhaiterait, rappelle la Dre Suzanne Bouchard, omnipraticienne au Centre hospitalier des Vallées de l’Outaouais. Avec l’âge, la fertilité diminue, et les risques de devoir recourir à une clinique de fertilité augmentent aussi. Ça, on n’y pense pas toujours.»

Fertilité: quelles sont mes chances?


On évalue que les possibilités de tomber enceinte diminuent de 3,5 % par année après l’âge de 30 ans. Une femme de moins de 30 ans dont le conjoint est fertile a environ 75 % de chances de tomber enceinte après un an d’essai. Celles-ci diminuent à 62 % entre l’âge de 31 et de 35 ans, et tombent à moins de 55 % après 35 ans.
Par ailleurs, celles qui parviennent à tomber enceintes après 35 ans doivent être informées des risques que comporte une grossesse tardive. Le professeur Michel Tournaire, chef de service à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Paris et auteur du livre Le bonheur d’être mère, la grossesse après 35 ans, croit que le rôle des médecins n’est pas de juger les femmes qui décident d’avoir des bébés sur le tard, mais de les appuyer dans leur projet en leur dressant un portrait réaliste de la situation.

Des risques à ne pas négliger


Lorsqu’il reçoit dans son bureau une femme de 39 ans qui envisage une grossesse, le professeur Tournaire lui dit que son projet n’est pas fou. Il se fait toutefois aussi un devoir de lui rappeler que les cas de fausses couches sont plus élevés (34 % chez les femmes de 40 ans contre 15 % chez les plus jeunes) et qu’il y a davantage de risques de souffrir d’hypertension et de diabète de grossesse, ou de donner la vie à un bébé atteint de trisomie 21. Lorsqu’il s’agit d’une première grossesse, les risques d’accoucher par césarienne ou de donner naissance à un prématuré sont plus élevés.

Si les statistiques indiquent que ces risques sont bel et bien réels, les médecins et les sages- femmes s’entendent pour dire qu’un suivi serré permet d’éviter ou de contrôler la plupart des problèmes. La trisomie 21, par exemple, peut être dépistée par amniocentèse. Encore faut-il se demander si notre éthique personnelle nous permet d’interrompre une grossesse si une anomalie chromosomique est détectée en cours de route ou encore si nous avons envie de prendre le risque de perdre l’enfant à naître. En effet, les risques de faire une fausse couche à la suite d’une amniocentèse sont d’environ 1%.


Et sur le plan psychosocial?


Selon la croyance populaire, une femme de 35 ans a plus de chances d’avoir la maturité et la stabilité émotive qu’il faut pour s’occuper d’un enfant. «C’est souvent vrai, dit la Dre Bouchard, mais, à cet âge, on a aussi un rythme de vie bien défini. L’arrivée d’un bébé change radicalement les choses. Il faut être prête à sacrifier une partie de sa liberté et de son confort. Notre patience n’est plus la même, notre tolérance à la fatigue non plus.»

De son côté, Jacqueline Raymond, une sagefemme à la maison des naissances Lac-Saint-Louis, à Pointe-Claire, ne croit pas que la maturité nécessaire pour élever des enfants soit liée à l’âge. «Il y a des femmes de 20 ans qui sont plus matures que certaines qui ont 35 ans», dit-elle. Ce qui l’inquiète davantage, ce sont les raisons qui motivent bien des personnes à vouloir des bébés à tout prix. «On devrait prendre le temps de se demander pourquoi on veut des enfants, dit-elle. Est-ce parce qu’il faut en avoir, comme il faut avoir une voiture? Ou parce qu’on refuse de faire le deuil de sa jeunesse? Ou encore parce qu’on a vraiment envie de donner? Quand je vois des mères mettre un petit au monde et le placer à la garderie à deux mois à peine, je me pose des questions.»


Malgré tout, médecins et sages-femmes s’entendent pour dire qu’aucune femme ne devrait se priver du bonheur d’être mère; cependant, si on a un enfant sur le tard, autant l’avoir pour les bonnes raisons et savoir à quoi s’en tenir avant de s’engager dans une telle aventure.


LES RISQUES QU’UN BÉBÉ SOIT ATTEINT DE TRISOMIE 21 EN FONCTION DE L’ÂGE DE SA MÈRE:


Femme de plus de 40 ans : 1/50

Femme de 38 ou 39 ans : 1/150

Femme de 35 à 38 ans : 1/300

Femme de 30 à 35 ans : 1/900

Femme de 20 à 30 ans : 1/1 500