Le Grand Swipe : "On a fait un enfant à l'aide d'un donneur alors qu'elle était toujours mariée à son ex"

Vous connaissez forcément des couples autour de vous qui se sont formés grâce à une application de rencontre. Peut-être même en avez-vous fait l’expérience. Le Grand Swipe raconte ces grandes histoires d’amour ou d’amitié 2.0 qui commencent avec un swipe, un like ou juste un message.

Si vous aussi vous voulez raconter vos belles histoires de vie, d'amitié et d'amour, vous pouvez envoyer un message à cette adresse : lucilebellan@gmail.com.

Gaëlle et Cécile ne se sont pas rencontrées sur une application dédiée mais sur un forum de discussion. Cécile raconte : "Notre histoire a commencé en octobre 2019 où nous étions toutes les deux inscrites sur une espèce de chat de l'ancien temps, loin des ces sites ou applications tendances du moment, qui regroupe toutes les catégories d'âge et statut possible. Pour être fidèle à notre réputation de lesbiennes instables, moi j'étais là-bas pour passer le temps et plus si affinités étant donné que j'étais célibataire et je sortais d'une relation compliquée. Gaëlle y était pour s'évader et bavarder afin de fuir son quotidien chaotique (elle était en couple depuis au moins dix ans et mariée depuis deux ans avec cette même personne, une nana aussi)."

VIDÉO - Mélissa raconte l’homophobie dont elle a été victime :

“Je comprends bien qu'elle ne cherche pas à faire une rencontre”

"Nos profils sur cette plateforme bas de gamme ne disaient rien ; simplement le prénom ou pseudo, l'âge, et la ville quand ces derniers n'étaient pas faux évidemment. Tout allait vite, les fenêtres s'ouvrent quand on nous parle et vous vous retrouvez rapidement à crouler sous les discussions les 'Slt ça va ?' ; les 'ASV ?' ; les 'Tu cherches quoi ?' ; les 'Clique sur ma tof si tu veux voir mes seins', etc.", raconte la jeune femme. Mais un ‘Bonsoir’ sort du lot et cette dernière essaye d’en savoir plus : "Je ne m'intéresse plus qu'à cette fille. Il était assez tard et je me dis qu’une nana calme pour finir la soirée, c'est plus sympa que toutes ces filles agitées. On discute de tout et de rien, on s'expose nos situations et je comprends bien qu'elle ne cherche pas à faire une rencontre, elle veut juste une oreille attentive à ses problèmes, dont elle ne veut parler à personne autour d'elle. Cette fille s’ennuie."

À l’époque, la célibataire se connecte plusieurs fois par jour. Après cette première discussion, elle reprend le cours de ses habitudes, et continue à se rapprocher de femmes proches de chez elle pour organiser une éventuelle rencontre. Et puis, Gaëlle se reconnecte et leur conversation se poursuit : "J'apprends plus de choses sur elle : sa vie, ses qualités, ses défauts... Et cette fille commence à bien me plaire. Mais hors de question pour moi de tenter une approche parce, déjà, elle ne le veut pas et m'embarquer dans la tourmente, non merci ! Après plusieurs soirs similaires, je lui laisse mon numéro de téléphone, sait-on jamais…"

“J'ai des codes bien précis sur les mots que je dois bannir”

Un soir, Cécile ne se connecte pas au chat. Elle reçoit alors un message signé ‘Tu sais qui je suis’ : "L'instinct ! Ça aurait pu être n'importe laquelle mais je savais que c'était elle. Et je lui réponds : ‘Je t’attendais’. J'ai su à cet instant que notre relation avait basculé." Le soir-même, Gaëlle dresse à son interlocutrice les limites de leurs échanges et de leur relation : "Il ne faut pas oublier qu'elle est mariée et vit avec une nana depuis une dizaine d'années. J'ai un planning et des codes bien précis sur les mots que je dois bannir, les symboles que je ne dois pas utiliser, les émoji qui sont interdits, les horaires où je ne dois en aucun cas me manifester. Je me plie à ses règles et les respecte à la lettre."

La jeune femme arrête alors d’aller sur le chat qu’elle visitait plusieurs fois par jour. "Ça ne me plait plus : bizarrement je trouve les autres nanas nulles et inintéressantes, et je ne me ‘consacre’ qu'à Gaëlle", explique-t-elle. Il n’est d’abord pas question que les deux femmes se rencontrent ni échangent des photos. Mais elles s’écrivent et s’appellent dès qu’elles le peuvent.

“Nos conversations se sont transformées”

Cette situation dure jusqu’en janvier 2020 : "Elle a pris de plus en plus de place dans ma vie. Je me suis attachée à elle et vice versa. J'avais connaissance de toute sa vie et elle aussi. Nos conversations se sont transformées et le manque s’est installé. J'étais tombée amoureuse de cette fille, je ne sais même pas comment." Gaëlle est tiraillée par une situation maritale compliquée mais, après une discussion à bâtons rompus avec Cécile, refuse qu’elles se séparent. Elles décident au contraire de se rencontrer… Une semaine plus tard.

Le rendez-vous est pris dans un lieu neutre, proche de chez Cécile : "Je me rends compte que je suis éprise dune inconnue dont je n'ai jamais vu le visage ! Mais je suis convaincue qu'elle est tout ce que j'aime et que, peu importe à quoi elle ressemble, je ne vais pas être refroidie en la voyant. Cette fille douce et honnête ne peut que me plaire et c'est ce qu'elle se disait de moi aussi. Le jour J, je me mets sur mon 31 mais – égale à moi-même – je ne fais pas dans l'artifice : je joue la carte de la transparence et je sais que de manière générale, je plais et j'ai confiance en moi."

“Je me souviens que je la tenais comme si j'avais peur qu'elle s'envole”

"On se retrouve dans le hall d'un hôtel non loin de chez moi pour boire un café et faire notre première rencontre. Elle arrive avant moi et me le fait savoir, moi j'arrive juste après. Quand les portes de l'hôtel s'ouvrent, je vois une jeune femme assise et je sais que c'est elle. On se ‘reconnaît’ de suite. Je la prends dans mes bras et elle fait de même avec une telle intensité que j'ai senti que c'était ‘bon’ pour toutes les deux. Je me souviens que je la tenais comme si j'avais peur qu'elle s'envole, comme si j'avais besoin de la pincer pour me rendre compte qu'elle était bien là, qu'elle était bien réelle." Le date dure deux petites heures et Gaëlle doit repartir chez elle.

Avec sa compagne depuis de nombreuses années, elle décide d’être honnête : "Elle a rapidement annoncé que la situation ne pouvait plus durer et a trouvé dans notre relation le courage de lui dire qu'elle n'en pouvait plus, que c'était déjà terminé entre elles et qu’elle s'était rendu compte qu'elles n'étaient ensemble que par habitude. Sa partenaire était d’accord, ça ne lui a rien fait ni chaud ni froid puisqu'elle savait que ce n'était que par confort qu'elle restait elle aussi."

“Il y avait 14% de chances pour que cela fonctionne”

Cécile et Gaëlle partent en vacances ensemble en février 2020, pour tester leur relation en conditions réelles du quotidien. Pendant dix jours, elles partagent leurs rêves et leurs projets et se confient sur leur envie de fonder une famille. Gaëlle raconte qu’elle et son ex ont tenté plusieurs fois d’avoir un enfant, en vain, et qu’elle pense que ce rêve est de moins en moins réalisable. Mais Cécile veut qu’elles tentent leur chance. Un nouveau rdv est pris… Sur une plateforme du dark net pour un donneur et tenter d'avoir un enfant ensemble de manière artisanale. À notre retour de vacances, le donneur est trouvé et les rendez-vous s'enchaînent avec ce dernier, qui nous donne sa semence que Gaëlle introduit dans mon corps. Après sept jours intensifs, le compte à rebours commence. Avec 14% de chances pour que cela fonctionne nous avions un espoir… Qui se confirma quand j’ai fait un test suivi d’une prise de sang : j’étais enceinte".

VIDÉO - Bénédicte a décidé de faire un enfant toute seule, découvrez son témoignage :

La grossesse bouleverse tout : "L'art et la manière n'étaient pas au rendez-vous mais le résultat oui. Et c'est tout ce qui comptait. Une décision radicale s'impose : Gaëlle décide de quitter définitivement son domicile sans dire qu'elle a rencontré une femme (qui est maintenant enceinte après seulement quatre mois de relation). Elle laisse tout derrière elle décide de repartir de zéro avec nous. On s'installe ensemble et je continue de mener ma grossesse tranquillement. Elle, de son côté, subit les foudres et le harcèlement de son ex. Moi je reste dans l’ombre, j'attends mon heure, j'attends le dénouement. Je n'ai jamais eu besoin de la reconnaissance de quiconque ni de la bénédiction d’autrui. Je voulais juste une vie calme et saine."

Enfin, le bébé nait. "Notre merveille est né le 16 mars 2020, soit quatre jours avant l'anniversaire de Gaëlle. Aujourd'hui son ex ne sait toujours pas qu'elle a un enfant ni qu'elle a rencontré quelqu'un et elles sont toujours mariées aux yeux de la loi. La demande de divorce étant longue en procédure. Entre nos familles, les liens sont difficiles à cause de la manière dont nous avons procédés toutes les deux." Cécile, Gaëlle et leur fils vivent désormais au bord de la mer, dans le sud de la France. Les deux amantes sont plus amoureuses que jamais et rêvent de pouvoir concrétiser leur famille sur le papier avec une adoption en règle de leur fils par Gaëlle.

Ce contenu peut aussi vous intéresser :

De la même autrice :

Largué.e, délivré.e : “Je suis allé me coucher et quand je me suis réveillé, elle avait pris ses affaires et elle était partie”

Le couple à l'épreuve du confinement : "Ça a fait grandir la frustration et on a souvent passé notre colère sur l’autre"

Le Grand Swipe : "Elle est arrivée à notre premier date avec 30 min de retard, j’ai failli partir mais j’ai eu une intuition"